Nota : Ce document a été trouvé dans le site de la BDIC /
Lacontemporaine ( http://www.lacontemporaine.fr/
) dans la partie " L'Argonnaute " en demandant dans la partie
« recherche » le mot " questionnaire "
A noter qu’on
y trouve ce même type de document sur d’autres localités !
Canton de Solesmes
Commune de St-Python
Ecole de Filles
Généralités :
a) A quelle date les Allemands ont-ils pris possession de votre village
Le 25 Août 1914
b) La prise de possession s’est-elle effectuée à la suite d’escarmouches,
à la suite de combats sanglants ou sans coup férir ?
A la suite d’une escarmouche
c) Quelle a été l’attitude de l’autorité militaire à l’égard
de la population pendant les premiers jours à la suite de l’occupation
?
Pendant les premiers jours de l’occupation, ils mirent tout en oeuvre
pour terroriser la population : ordres donnés durement, le revolver sur
la gorge, menaces d’incendie si on tardait à obéir, pillage des
maisons inhabitées, incendies aux environs, le 25 la gare de St-Aubert
brûlait, 2 jours après, c’était une fabrique de Solesmes, enfin le
dimanche, vers midi, une vive fusillade bientôt suivi du feu, le
château brûle puis une dizaine de maisons d’ouvriers. Dans l’une d’elles
un jeune homme est mourant et son père l’emporte dans
ses bras ; ils mettent le feu à une ferme, on leur donne à boire, ils
éteignent le commencement d’incendie.
Ils tirent sur l’église, brisent en partie la porte d’entrée, les
portes des sacristies, volent les objets du culte ayant une certaine
valeur, descellent le tronc, essayent de renverser la maître autel, ils
vont tirer, mettent le feu, un chef les fait sortir, ils exigent qu’on
leur donne à boire dans les cabarets et affirment leur bonté revolver
au poing; ils disent : « nous pas méchants, camarades » ; ils tirent
sur les fuyards, ils les manquent.
Dans la suite de l’occupation ils cherchent à rassurer la population,
on ne fera pas de mal aux civils s’ils respectent l’armée
allemande, mensonge ; On cherche à démoraliser la population, ils sont
partout vainqueurs, notre défaite définitive est certaine, les Anglais
s’empareront du littoral, leurs familles s’y installent.
Déjà la commune est obligée d’acheter la gazette des Ardennes
d) Pouvez vous rapporter quelques propos authentiques tenus par des
officiers ou des soldats et qui soient caractéristiques de leur état d’esprit
ou de l’opinion publique à cette époque ? en Allemagne ?
Tous étaient intimement convaincus que c’était la France qui avait
voulu la guerre, qui l’avait préparée, il fallut longtemps pour que
les officiers se rendissent à l’évidence, ils se croyaient à peu de
distance de Paris, confondant Iwuy avec Ivry.
Les belges s’étaient conduits à leurs égards comme des sauvages,
crevant les yeux des soldats, achevant les prisonniers, etc., leur
imputant tous les actes de barbarie dont ils s’étaient rendus
coupables.
Ils professaient pour leur empereur un véritable culte
e) Pouvez vous citer quelques ordres ou prescriptions émanant de l’autorité
ennemie ou se manifestait plus spécialement son système de guerre aux
civils ?
Un gouverneur de Solesmes avait répondu à des personnes ayant à se
plaindre des exigences allemandes : « on vous fera manger de l’herbe,
on vous laissera vos yeux pour pleurer – Tout nous appartient, même
votre vie, nous avons le droit de tout prendre »
Et à la fin : » Oh ! ce Nord, il est donc inépuisable ! »
Certains de la victoire prochaine, ils avaient gaspillé à plaisir les
substances alimentaires, les matières de première nécessité furent
de bonne heure introuvables, St-Python conserva du pain quelques
semaines de plus, les environs en manquaient.
Les réquisitions étaient fréquentes et durèrent jusqu’à la fin ;
presque chaque jour, on sonnait un nouvel ordre, on affichait, (la
mairie doit en avoir conservé). La formule finale ne variait guère si
ce n’est par les chiffres : amende, prison, mort
Les affiches concernaient d’abord les Anglais et les Français
appartenant à l’armée, obligation de les livrer, 2ème les armes
cachées, les pigeons, les vélos, les récoltes, on prenait tout et le
prix, si on l’obtenait suffisait rarement à payer la main d’œuvre
Guerre aux civils : la prison avec ses conditions anti-hygiéniques :
une chambre hermétiquement fermée toujours, le seau hygiénique vidé
une fois et à perpétuité dans la chambre
En général les officiers et même les soldats étaient corrects avec
les habitants quand ils n’étaient pas ivres ; ils n’en étaient pas
de même des gendarmes et des policiers et du dernier chef de culture ;
des jeunes gens, des hommes furent plusieurs fois frappés, des femmes
menacées du revolver ou du fusil, une jeune fille mourut.
On se plaignit beaucoup de la O.K. Les chefs choisissaient les plus
belles maisons, déménageaient les meubles, établissaient partout des
casinos, mettaient les propriétaires à la porte ou ne leur laissaient
qu’une petite chambre.
Les chefs bavarois se firent remarquer par leurs excès de table, l’un
d’eux prenait en plein jour, à la vue de tous et des enfants se
rendant à l’école ce qu’il appelait des bains de soleil,
complètement nu il restait allongé sur la pelouse à quelques mètres
d’une grille ouvrant sur la rue
A citer aussi les passages de leurs colonnes de pillards qui fouillaient
et sondaient partout ; les tracasseries de tous genres, les
contributions et les punitions ; on vit le maire de Beaurain condamné
à balayer les rues de Solesmes, une fermière dut payer une forte
amende parce qu’on avait trouvé un poil dans son lait. Les
secrétaires de mairie pourraient renseigner beaucoup plus
complètement, eux seuls ont pu avoir des spécimens d’affiches.
Rapports de l’autorité allemande avec la
population scolaire
A) Les établissements d’instruction (écoles etc. ) ont-ils été
ouverts pendant toute la durée de l’occupation ? ou momentanément
fermés ?
L’école des filles a été ouverte du 1er Octobre 1914 au 20 Février
1917, fermée de 20 février au 30 Juin 1917 pour les motifs suivants :
1) Défense de l’autorité allemande – Motif : Economie de
combustible
2) Etablissement d’un lazaret de convalescent dans toutes les classes
et pas d’autre local libre
3) Ordre de l’autorité allemande d’employer les enfants d’âge
scolaire aux travaux des champs sous la surveillance des maîtresses
4) Installation d’une prison pour civils belges et français
travaillant à l’élargissement de la voie ferrée pour l’armée
ennemie obligée de changer son quai d’embarquement devenu trop
dangereux
J’ai moi même été obligée d’abandonner ma maison que j’ai
habitée seule pendant presque toute l’occupation
L’école a été réouverte au 1er juillet 1917 jusqu’au 5 Octobre
1918, elle abrita les réfugiés jusqu’au 13 ou commença l’attaque
suivi le 23 de la prise de possession de St-Python par l’armée
anglaise. Elle fut reprise le 19 Février 1919 dans le logement des
adjointes, les classes n’étant pas remises en état
B) Quelles ont été les prescriptions particulières dictées par les
Allemands à l’égard des établissements d’instruction ?
D’une manière générale les Allemands sont intervenus pour les
heures d’entrée et de sortie . J’ai reçu un seul ordre écrit
menaçant de punition sévère si l’armée allemande était attaquée
dans les leçons
C) Le commandant de la place s’est-il immiscé dans les services d’enseignement
?
Non ; Du reste le commandant était à Solesmes
D) Des officiers délégués ou inspecteurs allemands ont-ils émis la
prétention de contrôler l’enseignement ?
Non
Ont-ils interrogé les élèves ?
Non
En 1916 le commandant de la place de Solesmes s’est occupé du
certificat d’études, avertissant le personnel, désignant la
commission, il est venu avec le sous-commandant pour l’oral, il a
écouté les réponses des élèves mais n’a rien dit.
Par contre à midi, un pasteur (je crois ) un aumônier militaire en
tous cas nous a profondément peinés en apostrophant avec la morgue et
le manque de tact qui les caractérisent tous l’Inspecteur de
St-Quentin Mr Renaut, lui reprochant de n’avoir pas observé le
règlement. Mr l’Inspecteur d’une manière ferme et courtoise à la
fois lui a donné la réplique. Les témoins de cette triste scène ont
témoigné à Mr Renaut leur respectueuse sympathie et leurs regrets de
le voir ainsi malmené. A l’issue de l’examen, Mr Renaut en termes
choisis et vibrants de patriotisme essaya de nous communiquer sa foi
dans la victoire finale. Il fit du bien aux parents, aux élèves et
surtout aux maîtres et maîtresses qui l’en remercièrent
Les allemands étaient présents si je me rappelle bien
E) Les élèves des établissements (écoles, etc.) ont-ils été
contraints à quelques travaux manuels ?
Non
F) Quelle a été en général l’attitude des soldats à l’égard
des enfants ? des enfants à l’égard des soldats (lapsus dans le
texte)
C’était surtout indifférence réciproque. Jamais un soldat allemand
n’a malmené un enfant, je les ai vus plusieurs fois partager leur
pain avec des gamins solliciteurs (nous avons eu faim … et mangé du
très mauvais pain dont les bêtes ne voulaient pas)
G) Le séjour des troupes allemandes a-t-il influé en quelques sorte
sur le parler local ?
Non, je n’entends jamais un seul mot allemand
Observation - je crois utile de citer le fait suivant :
Les officiers bavarois s’avisèrent une fois de photographier les
enfants les plus pauvres recevant des Allemands du pain et un bol de
chocolat … sans doute pour faire ressortir leur générosité à l’égard
des petits affamés français.
Mes plus grandes élèves vinrent me dire ensuite fièrement comment
elles avaient échappé à leurs avances …
Territoire occupé par l’armée anglaise -
Généralité et rapports des troupes avec la population scolaire
a) Quelles sont les troupes alliées qui ont occupé votre village ?
Les Anglais
b) S’est on battu dans votre région ? A quelle date ?
Du 13 au 23 Octobre 1918
c) Voyez-vous quelques particularités à noter touchant l’attitude
des soldats alliés à l’égard des enfants ? des enfants à l’égard
des troupes ?
Non – Les Anglais se montraient très généreux avec la population,
se privant pour lui procurer de la nourriture, les enfants, les garçons
surtout étaient très assidus auprès des cuisines
d) Le séjour des troupes alliées ou indigènes a-t-il influé sur le
parler local ?
Non, il n’y eut pas d’ailleurs d’autres indigènes que les
Annamites et pendant peu de jours.
Fait à St-Python le 31 Mai 1920
L’institutrice M. Hecquet