Questionnaire sur la guerre de 14-18 

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           A noter qu’on y trouve ce même type de document sur d’autres localités !


Canton de Solesmes                                          Commune de St-Python                                                            Ecole de Filles

Questionnaire
Territoire occupé par les armées allemandes

Généralités :

a) A quelle date les Allemands ont-ils pris possession de votre village
Le 25 Août 1914

b) La prise de possession s’est-elle effectuée à la suite d’escarmouches, à la suite de combats sanglants ou sans coup férir ?
A la suite d’une escarmouche

c) Quelle a été l’attitude de l’autorité militaire à l’égard de la population pendant les premiers jours à la suite de l’occupation ?
Pendant les premiers jours de l’occupation, ils mirent tout en oeuvre pour terroriser la population : ordres donnés durement, le revolver sur la gorge, menaces d’incendie si on tardait à obéir, pillage des maisons inhabitées, incendies aux environs, le 25 la gare de St-Aubert brûlait, 2 jours après, c’était une fabrique de Solesmes, enfin le dimanche, vers midi, une vive fusillade bientôt suivi du feu, le château brûle puis une dizaine de maisons d’ouvriers. Dans l’une d’elles un jeune homme est mourant et son père l’emporte dans
ses bras ; ils mettent le feu à une ferme, on leur donne à boire, ils éteignent le commencement d’incendie.
Ils tirent sur l’église, brisent en partie la porte d’entrée, les portes des sacristies, volent les objets du culte ayant une certaine valeur, descellent le tronc, essayent de renverser la maître autel, ils vont tirer, mettent le feu, un chef les fait sortir, ils exigent qu’on leur donne à boire dans les cabarets et affirment leur bonté revolver au poing; ils disent : « nous pas méchants, camarades » ; ils tirent sur les fuyards, ils les manquent.
Dans la suite de l’occupation ils cherchent à rassurer la population, on ne fera pas de mal aux civils s’ils respectent l’armée allemande, mensonge ; On cherche à démoraliser la population, ils sont partout vainqueurs, notre défaite définitive est certaine, les Anglais s’empareront du littoral, leurs familles s’y installent.
Déjà la commune est obligée d’acheter la gazette des Ardennes

d) Pouvez vous rapporter quelques propos authentiques tenus par des officiers ou des soldats et qui soient caractéristiques de leur état d’esprit ou de l’opinion publique à cette époque ? en Allemagne ?
Tous étaient intimement convaincus que c’était la France qui avait voulu la guerre, qui l’avait préparée, il fallut longtemps pour que les officiers se rendissent à l’évidence, ils se croyaient à peu de distance de Paris, confondant Iwuy avec Ivry.
Les belges s’étaient conduits à leurs égards comme des sauvages, crevant les yeux des soldats, achevant les prisonniers, etc., leur imputant tous les actes de barbarie dont ils s’étaient rendus coupables.
Ils professaient pour leur empereur un véritable culte

e) Pouvez vous citer quelques ordres ou prescriptions émanant de l’autorité ennemie ou se manifestait plus spécialement son système de guerre aux civils ?
Un gouverneur de Solesmes avait répondu à des personnes ayant à se plaindre des exigences allemandes : « on vous fera manger de l’herbe, on vous laissera vos yeux pour pleurer – Tout nous appartient, même votre vie, nous avons le droit de tout prendre »
Et à la fin : » Oh ! ce Nord, il est donc inépuisable ! »
Certains de la victoire prochaine, ils avaient gaspillé à plaisir les substances alimentaires, les matières de première nécessité furent de bonne heure introuvables, St-Python conserva du pain quelques semaines de plus, les environs en manquaient.
Les réquisitions étaient fréquentes et durèrent jusqu’à la fin ; presque chaque jour, on sonnait un nouvel ordre, on affichait, (la mairie doit en avoir conservé). La formule finale ne variait guère si ce n’est par les chiffres : amende, prison, mort
Les affiches concernaient d’abord les Anglais et les Français appartenant à l’armée, obligation de les livrer, 2ème les armes cachées, les pigeons, les vélos, les récoltes, on prenait tout et le prix, si on l’obtenait suffisait rarement à payer la main d’œuvre
Guerre aux civils : la prison avec ses conditions anti-hygiéniques : une chambre hermétiquement fermée toujours, le seau hygiénique vidé une fois et à perpétuité dans la chambre
En général les officiers et même les soldats étaient corrects avec les habitants quand ils n’étaient pas ivres ; ils n’en étaient pas de même des gendarmes et des policiers et du dernier chef de culture ; des jeunes gens, des hommes furent plusieurs fois frappés, des femmes menacées du revolver ou du fusil, une jeune fille mourut.
On se plaignit beaucoup de la O.K. Les chefs choisissaient les plus belles maisons, déménageaient les meubles, établissaient partout des casinos, mettaient les propriétaires à la porte ou ne leur laissaient qu’une petite chambre.
Les chefs bavarois se firent remarquer par leurs excès de table, l’un d’eux prenait en plein jour, à la vue de tous et des enfants se rendant à l’école ce qu’il appelait des bains de soleil, complètement nu il restait allongé sur la pelouse à quelques mètres d’une grille ouvrant sur la rue
A citer aussi les passages de leurs colonnes de pillards qui fouillaient et sondaient partout ; les tracasseries de tous genres, les contributions et les punitions ; on vit le maire de Beaurain condamné à balayer les rues de Solesmes, une fermière dut payer une forte amende parce qu’on avait trouvé un poil dans son lait. Les secrétaires de mairie pourraient renseigner beaucoup plus complètement, eux seuls ont pu avoir des spécimens d’affiches.


Rapports de l’autorité allemande avec la population scolaire

A) Les établissements d’instruction (écoles etc. ) ont-ils été ouverts pendant toute la durée de l’occupation ? ou momentanément fermés ?
L’école des filles a été ouverte du 1er Octobre 1914 au 20 Février 1917, fermée de 20 février au 30 Juin 1917 pour les motifs suivants :
1) Défense de l’autorité allemande – Motif : Economie de combustible
2) Etablissement d’un lazaret de convalescent dans toutes les classes et pas d’autre local libre
3) Ordre de l’autorité allemande d’employer les enfants d’âge scolaire aux travaux des champs sous la surveillance des maîtresses
4) Installation d’une prison pour civils belges et français travaillant à l’élargissement de la voie ferrée pour l’armée ennemie obligée de changer son quai d’embarquement devenu trop dangereux
J’ai moi même été obligée d’abandonner ma maison que j’ai habitée seule pendant presque toute l’occupation
L’école a été réouverte au 1er juillet 1917 jusqu’au 5 Octobre 1918, elle abrita les réfugiés jusqu’au 13 ou commença l’attaque suivi le 23 de la prise de possession de St-Python par l’armée anglaise. Elle fut reprise le 19 Février 1919 dans le logement des adjointes, les classes n’étant pas remises en état

B) Quelles ont été les prescriptions particulières dictées par les Allemands à l’égard des établissements d’instruction ?
D’une manière générale les Allemands sont intervenus pour les heures d’entrée et de sortie . J’ai reçu un seul ordre écrit menaçant de punition sévère si l’armée allemande était attaquée dans les leçons

C) Le commandant de la place s’est-il immiscé dans les services d’enseignement ?
Non ; Du reste le commandant était à Solesmes

D) Des officiers délégués ou inspecteurs allemands ont-ils émis la prétention de contrôler l’enseignement ?
Non
Ont-ils interrogé les élèves ?
Non
En 1916 le commandant de la place de Solesmes s’est occupé du certificat d’études, avertissant le personnel, désignant la commission, il est venu avec le sous-commandant pour l’oral, il a écouté les réponses des élèves mais n’a rien dit.
Par contre à midi, un pasteur (je crois ) un aumônier militaire en tous cas nous a profondément peinés en apostrophant avec la morgue et le manque de tact qui les caractérisent tous l’Inspecteur de St-Quentin Mr Renaut, lui reprochant de n’avoir pas observé le règlement. Mr l’Inspecteur d’une manière ferme et courtoise à la fois lui a donné la réplique. Les témoins de cette triste scène ont témoigné à Mr Renaut leur respectueuse sympathie et leurs regrets de le voir ainsi malmené. A l’issue de l’examen, Mr Renaut en termes choisis et vibrants de patriotisme essaya de nous communiquer sa foi dans la victoire finale. Il fit du bien aux parents, aux élèves et surtout aux maîtres et maîtresses qui l’en remercièrent
Les allemands étaient présents si je me rappelle bien

E) Les élèves des établissements (écoles, etc.) ont-ils été contraints à quelques travaux manuels ?
Non

F) Quelle a été en général l’attitude des soldats à l’égard des enfants ? des enfants à l’égard des soldats (lapsus dans le texte)
C’était surtout indifférence réciproque. Jamais un soldat allemand n’a malmené un enfant, je les ai vus plusieurs fois partager leur pain avec des gamins solliciteurs (nous avons eu faim … et mangé du très mauvais pain dont les bêtes ne voulaient pas)

G) Le séjour des troupes allemandes a-t-il influé en quelques sorte sur le parler local ?
Non, je n’entends jamais un seul mot allemand
Observation - je crois utile de citer le fait suivant :
Les officiers bavarois s’avisèrent une fois de photographier les enfants les plus pauvres recevant des Allemands du pain et un bol de chocolat … sans doute pour faire ressortir leur générosité à l’égard des petits affamés français.
Mes plus grandes élèves vinrent me dire ensuite fièrement comment elles avaient échappé à leurs avances …


Territoire occupé par l’armée anglaise - Généralité et rapports des troupes avec la population scolaire

a) Quelles sont les troupes alliées qui ont occupé votre village ?
Les Anglais

b) S’est on battu dans votre région ? A quelle date ?
Du 13 au 23 Octobre 1918

c) Voyez-vous quelques particularités à noter touchant l’attitude des soldats alliés à l’égard des enfants ? des enfants à l’égard des troupes ?
Non – Les Anglais se montraient très généreux avec la population, se privant pour lui procurer de la nourriture, les enfants, les garçons surtout étaient très assidus auprès des cuisines

d) Le séjour des troupes alliées ou indigènes a-t-il influé sur le parler local ?
Non, il n’y eut pas d’ailleurs d’autres indigènes que les Annamites et pendant peu de jours.

Fait à St-Python le 31 Mai 1920
L’institutrice M. Hecquet