LES ECORCHEURS ( 1437 A 1440 )

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L'année 1437 et les deux qui suivirent furent des plus calamiteuses pour le Hainaut.
Il eût énormément à souffrir à cette époque des ravages exercés sur son territoire par des bandes françaises licenciées qui y avaient pénétré sous le prétexte de se procurer des vivres, mais en réalité pour s'y livrer au pillage. 
Plus de 2.000 cavaliers de ces bandes placées sous les ordres de Antoine de Chabannes et de Blanchefort, capitaines aussi hardis que braves, avaient leur retraite à Haussy et Solesmes. 
Ils se répandaient dans les campagnes, pillant incendiant tout, les églises, les châteaux et les chaumières, maltraitaient, dépouillaient les habitants qu'ils ne faisaient pas faute de torturer de mille manières s'ils entrevoyaient la possibilité d'en tirer quelque rançon.
" Toutes ces gens qui étaient rencontrés d'eux étaient dévestus de leurs habillements tout au net jusque la chemise."                    ( Monstrelet )

De là leur est venu le nom d'Ecorcheurs. On leur donnait encore d'autres dénominations comme : Routiers, Grandes Compagnies, Mille Diables...
Leur séjour à Haussy fut troublé car les bourgeois de Valenciennes sous la conduite de Simon de Lalaing, prévot le Comte, firent une expédition contre eux et les forcèrent de quitter le pays en 1437.
Leurs rapines méritaient une répression. Charles V fut obligé d'avoir recours à l'autorité du pape Urbain V, qui les excommunia et fulmina différentes bulles contre eux, portant indulgence contre quiconque les combattrait.
Jean de Croÿ, grand bailli de Hainaut, s'arma contre eux. Il demanda aux villes du comté de mettre à sa disposition un contingent capable de leur résister et de leur faire évacuer les environs du Quesnoy où ils se trouvaient le plus souvent rassemblés. 
Cette mesure ne les intimida guère. Ils poussèrent même l'audace jusqu'à attaquer isolément les uns après les autres les divers détachements qui se rendaient au Quesnoy, à l'imitation du grand Bailli. 
Ils revinrent à Haussy en 1440 et le château fort tomba en leur pouvoir.

Voici comment s'exprime à ce sujet l'historien Enguerrand de Monstrelet dans le langage naïf de son temps :
" Durant aussi le temps du susdit, se advancèrent environ huit vingt saquemens ( 160 pillards, gens de sac et de corde ) de l'hostel du roi Charles et allèrent au pays de Hainault, en une ville nommée Haussi, en laquelle avait bel chastel, et se logèrent là et sy tindrent deux ou trois jours, si composèrent plusieurs villes et villages, tant de Hainaut comme du Cambrésis à grande finance : durant lequel temps Messire Jean de Croÿ baillif de Hainaut assembla aucune puissance de gens d'armes au Quesnoy le Comte et s'en vint pour les détrousser mais une partie se retrahirent audit chastel lesquels furent tantôt assaillis, auquel assaut fut mort un moult notable gentilhomme assez ancien nommé Lardenois d'Osterne et depuis fut faict traité dudit baillif avec iceux par tel si qu'ils ne départiraient en délaissant ce qu'ils avaient prins et avec ce lui donnèrent une somme d'argent pour qu'il les laissa partir et il y en avait eu plusieurs morts et détroussez qui avaient été trouvez en ladite ville de Haussi. Si se partirent tous ensemble pour retirer vers la ville de Laon mais ils furent rencontrez des gens du comte de St-Pol vers le pont de Nouvion et du tout destroussez et la plus grande partie y demourèrent morts en la place "
Les dégâts et les ravages commis dans le Hainaut par les guerres ne contribuèrent pas peu à y augmenter dans cette province les maux qu'y produisit à cette époque une famine qui dura deux ans et désola une grande partie de l'Europe.
Forcés de quitter les campagnes et de se réfugier dans les villes pour échapper aux violences de ces pillards, les paysans Hennuyers avaient négligé la culture de leurs terres. 
Cette circonstance ne pouvait manquer d'aggraver l'état du pays. Le blé s'y vendit 10 à 12 fois plus cher que d'habitude, et on dût porter décrets sur décrets pour empêcher la sortie des grains.
Naturellement la disette et la faim enfantèrent des excès et des crimes sans nombre.
Des bandes d'individus mourant de faim parcouraient ces localités, enlevant de force les provisions qu'avaient faites les habitants, se souciant peu de la justice et des conséquences que leurs violences pouvaient avoir pour eux. 
Ils ne craignaient pas d'attenter à la vie de ceux qui voulaient s'opposer à leurs rapines.
Mieux valait cent fois, disaient-ils, mourir de la main du bourreau plutôt que de mourir de faim.
                                                       Réf.: Histoire de Haussy par l'abbé Jules Denis