NOTES SUR L’HISTOIRE ET L’AGRICULTURE A SAINT-PYTHON
St-Python, le nom du village est un dérivé du nom de son saint patron, St-Piat, martyr enterré en l’église de Seclin (Nord). Le village a du probablement exister avant Solesmes ; actuellement bâti en proportion à peu près égale de chaque côté de la rivière la Selle, il était plus étendu sur la moitié Ouest, assez haut sur le versant de la vallée ; il a été aussi plus peuplé : 2.000 habitants certainement au XVIIIe siècle, pour actuellement 1.300 habitants.
La population autrefois agricole, s’est convertie à l’industrie : textile, pour le personnel féminin et métallurgie pour les hommes. Entre les deux guerres mondiales, il y avait encore des tisseurs à main en cave qui ont complètement disparus après la seconde guerre. Les tissages assez petits ont aussi disparu depuis une vingtaine d’années. Seul subsiste le tissage « Leclercq-Dupire », maintenant firme « Texunion », tissage extrêmement moderne qui emploie très peu d’ouvriers et fait les « trois-huit ».
Dans le secteur de l’agriculture, ce sont des fermes moyennes et petites qui n’emploient plus ou presque plus d’ouvriers ( 2 ou 3 au plus pour le village ). Les jours de « presse » les cultivateurs s’entraident mutuellement parce qu’il y a beaucoup de travail. Il doit rester environ 20 fermes au lieu de 25 il y a 20 ans.
Le village comptait, comme beaucoup, un domaine seigneurial, un château féodal bordé par la rivière et entouré par un fossé alimenté par une canalisation située en amont de la chute d’eau du moulin. Ce château a été détruit plusieurs fois. Les deux plus anciens propriétaires connus de nom sont Mr de Palaiseau et Mr de Polinkhove. A la suite d’un incendie, un jour de ducasse et dans lequel ses enfants ont péri accrochés aux grilles des fenêtres, Mr de Palaiseau a joué son château aux cartes avec Mr de Polinkhove ; c’est ce dernier qui a gagné. Mr de Polinkhove était premier président du Parlement de Flandre . Il est enterré dans l’église St-Pierre à Douai où une plaque de marbre appliquée au mur, sur le côté gauche du portail d’entrée, rappelle sa mémoire.
Le château est devenu propriété de Mr Louis Cardon après la guerre de 1870. Ce dernier a fait construire la maison et les bâtiments de la ferme, sauf la grange, et des écuries qui étaient dans la prairie. La maison et la grange ont été brûlées au début de la guerre de 14 à l’arrivée des Allemands ( on disait « prussiens » en ce temps-là ) ; ces derniers étaient complètement ivres et semaient la terreur partout : 14 incendies dans le village pour fêter leur arrivée ! Depuis ce temps, le château appartient aux descendants de Louis Cardon de père en fils. Le mur longeant la rivière aurait été construit sur ordre d’une fille de François 1er. La ferme du seigneur située un peu à l’écart du château ( au lieu dit « le marais » ) a appartenu aux Cardon depuis au moins 1660, date que l’on retrouve dans les archives de la mairie. Premier propriétaire : Carlos Cardon. Celui-ci, d’après les dires d’un grand-oncle, se serait distingué à la bataille de Marignan et en récompense, François 1er lui aurait donné deux mencaudés de terre à St-Python. Ce serait là le départ des Cardon à St-Python.
De Carlos Cardon à la Révolution, il y a eu quatre générations ; chaque ménage de ces générations a eu entre 10 et 12 enfants. Le droit d’aînesse existant, tout le bien restait dans les mains du premier enfant, les autres se sont dispersés un peu partout en France.
Le moulin alimenté par la rivière servait à moudre le blé du seigneur et de ses subordonnés. Le dernier propriétaire a été Mr Ernest Macarez, maire de Solesmes et conseiller général. Il a sa statue au dispensaire de Solesmes. Il était cousin germain de Louis Cardon mais il y avait une mésentente entre les deux au sujet de la chute d’eau du moulin dont la puissance affaiblie avait des répercussions sur les fossés du château.
Les deux derniers propriétaires du moulin ont été les Gillard père et fils. Le père, comptable de Mr Macarez, a par filouterie ruiné ce dernier, pourtant une très grosse fortune. Il possédait, entre autre, tous les terrains de chaque côté de la rivière jusqu'à la limite de Solesmes, c'est-à-dire entre la route de Solesmes et le chemin de la gare. Ces terrains étaient des jardins. Les Gillard ont exploité le moulin jusqu’en 1923 et l’ont vendu à Leclercq-Dupire qui en a fait un tissage.
En 1918, c’est par la cour du moulin que les Anglais, après une bataille acharnée, ont pu traverser la rivière en culbutant un mur avec un char. Tous les ponts étant sautés et les Allemands ayant négligé les voûtes du moulin qui enjambent la rivière, ceux-ci ont été pris de dos par l’armée anglaise qui a pu passer, s’infiltrer et ainsi déloger les Allemands qui se cramponnaient dans la vallée de la Selle. Ce renseignement sur la possibilité de franchir la Selle au moulin a été donné par un vieil ouvrier de la ferme de la ferme de Henry Cardon qui ne savait lire et écrire que son nom mais qui était futé. C’est un exploit qui est resté ignoré de tout le monde.
RENDEMENTS APPROXIMATIFS DANS LE CAMBRESIS
BLE : Dans les années 1930, je crois, ( il y a longtemps de cela : 50 ans ! ) les rendements étaient de 30 quintaux à 38 - 40 quintaux à l’hectare. Les meilleures variétés à l’époque étaient les Vilmorin « 23 » et « 27 ». Pendant la guerre de 39-45, avec les hivers extrêmement rudes, on a dû avoir recours aux blés de Printemps, à rendements très moyens avec, en plus manque d’engrais pour fertiliser et nettoyer la récolte. C’est avec de la sylvinite de potasse que l’on détruisait les cénés avant guerre. En 1950, l’augmentation progressive des rendements est apparue avec les engrais très concentrés et l’arrivée des désherbants indispensables pour récolter à la moissonneuse-batteuse. Les rendements atteignent maintenant jusqu’à 60 – 65 quintaux à l’hectare. Il ne faut pas généraliser : il y a encore de très mauvaises récoltes, les risques d’avoir de l’humidité sont très grands du fait des étés pourris que nous avons dans la région. La meilleure variété de blé des années 50 à 65 a été le « Cappelle », obtention de Florimond Deprez de Templeuve. Les variétés actuelles me sont inconnues, je ne connais même plus les noms des dernières que j’ai ensemencées.
BETTERAVES : Avant la guerre, la récolte se faisait au « poids bascule », c'est-à-dire, qu’après le passage de la remorque sur la bascule, un homme nommé « tareur » jugeait à vue le pourcentage de déchets et de terre sur les betteraves, à déduire du poids total. Le résultat était très fantaisiste, ces tareurs n’étant pas indifférents aux pots de vin que certains exploitants donnaient pour avoir un petit avantage. Il est bien évident que ce que l’on donnait à l’un, il fallait le prendre à un autre moins généreux. Le soir, le tareur devait rendre des comptes au bureau. Il se faisait un trafic indescriptible dans les petites sucreries du Cambrésis. Les rendements, à l’époque, variaient entre 30 et 45 tonnes à l’hectare. Depuis une quinzaine d’années, avec la pesée géométrique, les chiffres des rendements ont nettement augmenté parce que beaucoup plus justes : le nom de l’exploitant est remplacé par un numéro, le nettoyage des échantillons se fait mécaniquement. J’ai mis ces petits détails sur les sucreries pour faire savoir aux jeunes ce qui se passait dans les différents centres de réception de betteraves : il y avait des différences énormes entre un dépôt de gare et le dépôt de l’usine ; c’est incroyable ce qui se passait comme malhonnêteté.
Rendements :, ce n’est pas régulier : si certaines parcelles atteignent parfois 65 tonnes /hectare, il y en a en dessous de 40 ; les années se suivent et ne se ressemblent pas.
ORGE ET AVOINE : Pour les orges, les résultats sont de 35 à 45 quintaux / hectare, je crois. Je n’ai plus aucun bordereau de livraison, je ne peux plus rien vérifier. Pour l’avoine, c’est encore plus difficile : cette céréale servait surtout à la nourriture des chevaux de trait qui en faisaient une grande consommation à l’époque des travaux. Une ferme la notre, avant guerre 40 Ha, avait 3 à 4 hectares en avoine. Certaines années, quand il y en avait de trop, on en vendait 5 tonnes.
FOURRAGE : Pour le fourrage luzerne, même chose : 3 à 4 ha pour la nourriture des chevaux . Maintenant, le maïs a remplacé la luzerne. Les méthodes de culture d’avant guerre avec la luzerne permettaient une meilleure rotation de l’emblavement des surfaces et permettait à la terre de se reposer tout en produisant.
Ces pages d'histoire contemporaine ont été rédigées en 1981 par Monsieur CARDON Henry, demeurant à St-Python.